Nous exprimons aujourd’hui de plus en plus souvent notre approbation par un symbole, via divers canaux de communication. Un 👍 sous un message WhatsApp, un “ok” dans un chat Teams ou un emoji dans un e-mail — cela semble anodin, mais peut avoir des conséquences juridiques importantes.

Dans un jugement du 27 octobre 2025, le Tribunal de l’entreprise néerlandophone de Bruxelles a estimé qu’un emoji 👍 suffisait à conclure un contrat, en combinaison avec l’exécution des engagements et le contexte. Ce jugement relance la question : quand un contrat est-il réellement conclu ?
Le droit belge : le contrat naît du simple accord de volontés
L’un des principes fondamentaux du droit belge des contrats est le consensualisme (Livre 5 du Code civil).
.png)
Cela signifie qu’un contrat existe dès qu’il y a accord de volontés : une partie fait une offre, l’autre l’accepte.
Une signature n’est donc généralement pas une condition de validité, mais seulement un moyen de preuve. Surtout entre entreprises, la preuve est libre : e-mails, messages, factures, captures d’écran… tout peut servir à démontrer qu’un accord a été conclu.
Des mots aux emojis : jusqu’où va la « déclaration de volonté » ?
La loi parle d’une déclaration de volonté, sans préciser la forme qu’elle doit prendre.
Elle peut donc être écrite, orale, numérique ou même tacite, tant qu’elle exprime clairement et sans équivoque la volonté d’accepter.
C’est là tout l’enjeu de notre époque : les emojis, les « likes », les messages courts… expriment souvent quelque chose, mais c’est le contexte qui en détermine le sens :
- Un 👍 sous une photo est souvent anodin.
- Un 👍 en réponse à une offre commerciale ? Cela peut valoir acceptation.

La jurisprudence s’attache alors à l’interprétation raisonnable dans son contexte :
- Quelle était l’intention du message ?
- Qu’avait-on discuté auparavant ?
- Comment les parties se sont-elles comportées ensuite ?
Ces éléments contextuels peuvent faire basculer un emoji de l’inoffensif au contraignant.
La preuve entre entreprises : libre, mais pas sans risque
En matière B2B, le principe de la liberté de la preuve s’applique.
C’est pratique, mais aussi risqué : un e-mail ou un message peut plus tard être utilisé comme preuve d’un engagement contractuel.
Ainsi, une entreprise qui paie une facture, exécute des prestations ou écrit (ou envoie) “d’accord” donne l’impression qu’un contrat existe. Même des politiques internes (comme « seuls les contrats signés sont valables ») n’ont pas toujours d’effet envers le cocontractant. Ce que vous faites pèse parfois plus lourd que ce qui est écrit sur papier.
Attention à la nonchalance numérique
Là où un juriste voit un « accord de volontés », un marketeur voit peut-être juste un pouce amical.
Pourtant, ce symbole peut s’avérer décisif dans une procédure de preuve.
Quelques recommandations pratiques :
- Limitez qui peut donner ou négocier un accord au nom de votre entreprise.
- Utilisez un langage clair : « pour accord », « sous réserve », « à discuter ».
- Ne payez pas de factures si vous contestez le contrat sous-jacent.
- Ne gardez pas vos politiques internes pour vous : communiquez-les aussi à vos partenaires lorsque c’est pertinent.

Le jugement sur l’emoji 👍 montre surtout que le droit évolue avec la réalité numérique.
Un emoji n’est pas une entité juridique distincte : c’est simplement une manière moderne de dire « ok ». Et « ok » peut être contraignant.
L’essentiel demeure l’intention et le contexte:
Un contrat naît lorsque deux parties s’accordent sur les éléments essentiels. La forme de cet accord — signature, e-mail ou emoji — importe moins que l’intention et le contexte.
Conclusion
Le pouce levé est le nouveau « accord par e-mail ». Le droit belge ne privilégie pas les formalités, mais s’attache à ce que les parties ont réellement voulu et fait.
Dans ce contexte, le pouce numérique n’est pas qu’un symbole, mais une confirmation. Qui l’envoie trop vite ne peut pas toujours s’en dégager par la suite Dans l’économie numérique, la frontière entre l’informel et le contraignant est ténue. Soyez donc prudent avec chaque “👍”, même s’il ne fait qu’un pixel de haut.

Vanbelle Law Boutique conseille et défend les entreprises dans les litiges relatifs à la conclusion de contrats, à la communication numérique et à la preuve. Vous avez des questions sur la validité d’un contrat, un échange d’e-mails ou de messages WhatsApp, ou une résiliation anticipée ? N’hésitez pas à nous contacter pour une analyse approfondie de votre situation et un avis juridique clair et personnalisé.



