Vous sortez d'une assemblée générale des copropriétaires avec un sentiment d'injustice ? Une décision vous paraît irrégulière, frauduleuse ou abusive ? Vous n'êtes pas seul dans cette situation. Chaque année, de nombreux copropriétaires en Belgique se tournent vers la justice pour contester des décisions qu'ils estiment contraires à leurs droits.

Mais attention : contester une décision d'assemblée générale nécessite de respecter des règles strictes et des délais impératifs. Entre formalités, preuves à rassembler et stratégies juridiques, le chemin vers l'annulation peut être complexe.
Le cadre légal et les différentes décisions susceptibles de contestation
L'article 3.92, §3, alinéa 1 du nouveau Code civil est clair : "Tout copropriétaire peut demander au juge d'annuler ou de réformer une décision irrégulière, frauduleuse ou abusive de l'assemblée générale si elle lui cause un préjudice personnel".
Cette disposition offre une protection essentielle, mais encore faut-il comprendre ce qui constitue une décision irrégulière, frauduleuse ou abusive et comment procéder efficacement.
- Une décision est irrégulière lorsqu'elle viole les dispositions légales ou statutaires, qu'il s'agisse de règles de forme ou de fond. Les cas les plus fréquents incluent :
- Vices de procédure :
- Absence de convocation ou convocation tardive (au moins 15 jours avant la date de l’assemblée générale selon l'article 3.87, §3 du Code civil)
- Non-respect des modalités de consultation des documents
- Problèmes avec les procurations (par ex. plus de 3 procurations par personne)
- Vices de fond :
- Décision prise sur un point absent de l'ordre du jour
- Non-respect des majorités requises
- Excès de pouvoir de l'assemblée générale
- Violation des statuts ou du règlement de copropriété

- Une décision est frauduleuse lorsque, bien qu'étant régulière en la forme, elle est entachée de fraude dans :
- Le comptage des voix
- La communication d'informations contraires à la réalité
- Les manœuvres destinées à tromper l'assemblée
- Enfin, une décision est abusive lorsque :
- Elle est contraire à l'intérêt commun
- Elle impose à la minorité des charges disproportionnées
- Elle cause un préjudice injustifié à certains copropriétaires
- Elle est prise sans motifs valables ou uniquement pour sanctionner
Exemple jurisprudentiel récent : Le Juge de paix de Woluwe-Saint-Pierre du 8 mai 2023 a annulé une décision exigeant la remise en pristin état d'un petit percement dans une dalle, estimant que "les inconvénients causés étaient disproportionnés par rapport aux avantages recherchés".

Le délai crucial : 4 mois pour agir
L'article 3.92, §3, alinéa 2 du nouveau Code civil fixe un délai impératif : "Cette action doit être intentée dans un délai de quatre mois, à compter de la date à laquelle l'assemblée générale a eu lieu".
Attention : Ce délai de 4 mois est préfix, ce qui signifie qu'il ne peut être ni suspendu, ni interrompu, ni prorogé. Toute action introduite hors délai sera déclarée irrecevable.
Qui peut contester et contre qui ?
Outre les copropriétaires, l'article 3.93, §5 prévoit que "Toute personne occupant l'immeuble bâti en vertu d'un droit personnel ou réel mais ne disposant pas du droit de vote à l'assemblée générale, peut cependant demander au juge d'annuler ou de réformer toute disposition du règlement d'ordre intérieur ou toute décision irrégulière, frauduleuse ou abusive de l'assemblée générale adoptée après la naissance du droit, si elle lui cause un préjudice propre".
L'action en contestation doit être dirigée contre l'Association des Copropriétaires en sa qualité de personne morale, et non contre les copropriétaires individuels.

La procédure de contestation : étapes essentielles
- Étape 1 : Constituer un dossier solide
Avant d'agir, rassemblez toutes les preuves telles que la convocation, le procès-verbal de l'assemblée générale, les Statuts et règlement de copropriété, les documents relatifs aux points contestés, les correspondances pertinentes avec le syndic, etc.
Afin de se constituer le dossier le plus solide possible, il est également conseillé de :
- Voter contre et demandez l'inscription de votre opposition
- Prendre des notes détaillées de tous les échanges
- Demander l'inscription de vos réserves au procès-verbal
- Étape 2 : Analyser vos chances de succès
- Le vice est-il clairement établi et démontrable ?
- Avez-vous personnellement voté contre la décision ?
- Avez-vous agi suffisamment vite ?
- La décision vous cause-t-elle un préjudice personnel ?
- Les preuves en votre possession sont-elles suffisantes ?
- Étape 3 : L'introduction de l'action
L'action doit être introduite par citation (non par requête) devant le Juge de Paix compétent, contre l'Association des Copropriétaires.
La demande peut porter sur :
- L'annulation pure et simple de la décision
- La réformation de la décision
- L'octroi de dommages-intérêts pour le préjudice subi
L'annulation produit des effets rétroactifs, c’est-à-dire que la décision est réputée n'avoir jamais existé, ce qui implique que les actes déjà accomplis doivent être annulés et que les éventuelles sommes versées doivent être restituées.
Conclusion : contester avec discernement et faites-vous assister
Contester une décision d'assemblée générale est un droit important du copropriétaire, mais c'est aussi un acte qui doit être mûrement réfléchi. Entre respect des délais stricts, qualification précise des vices et stratégies procédurales adaptées, chaque détail compte.

L'objectif premier est de faire respecter la légalité et de préserver l'équilibre dans la copropriété. Selon les circonstances, une négociation amiable ou une nouvelle assemblée générale peut parfois s'avérer plus efficace qu'une procédure judiciaire.
Fort d’une riche expérience en matière de droit immobilier et de droit de copropriété, Vanbelle Law Boutique vous accompagne dans toutes vos démarches de contestation : analyse juridique préalable, évaluation des chances de succès, constitution du dossier de preuve, négociations, représentation devant les tribunaux, etc. Parce que contester efficacement, c'est d'abord s'entourer des bons conseils au bon moment.