21/7/25

L'astreinte : guide juridique pour contraindre efficacement vos débiteurs

Vous avez obtenu gain de cause devant le tribunal, mais votre adversaire refuse obstinément d'exécuter la décision de justice ? Une condamnation à faire ou ne pas faire reste lettre morte malgré vos relances ? L'astreinte pourrait bien être l'arme juridique qu'il vous faut pour contraindre enfin votre débiteur récalcitrant à s'exécuter.

Introduite en droit belge par la loi du 31 janvier 1980, l'astreinte constitue un mécanisme de pression économique particulièrement efficace. Mais attention : son utilisation obéit à des règles strictes et sa mise en œuvre nécessite une parfaite maîtrise des subtilités procédurales.

Le cadre légal : comprendre l'essence de l'astreinte

L'article 1385bis du Code judiciaire définit l'astreinte comme une condamnation au paiement d'une somme d'argent, prononcée par le juge pour le cas où il ne serait pas satisfait à la condamnation principale. Il ne s'agit pas d'une réparation du préjudice subi, mais d'une peine privée destinée à inciter le débiteur à exécuter volontairement ses obligations.

L'astreinte constitue une mesure accessoire qui doit nécessairement accompagner une condamnation principale de faire ou de ne pas faire. Le juge dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation et n'a aucune obligation de la prononcer. Une fois encourue, elle est intégralement acquise au créancier, indépendamment du préjudice réellement subi.

Le juge dispose de plusieurs options pour adapter la pression aux circonstances. L'astreinte forfaitaire, fixée à une somme unique, convient pour des obligations ponctuelles ou facilement délimitées dans le temps. L'astreinte progressive, déterminée par unité de temps ou par contravention, s'adapte parfaitement aux obligations continues ou répétées. Le juge peut également prévoir un montant plafond au-delà duquel la condamnation aux astreintes cessera ses effets, évitant ainsi des condamnations disproportionnées.

Les domaines d'application et exclusions

L'astreinte trouve sa place dans de nombreux contentieux, dès lors qu'une obligation de faire ou de ne pas faire est en jeu. En droit de la construction, elle permettra d'obtenir la remise en état de constructions non conformes ou la démolition d'ouvrages illégaux. En propriété intellectuelle, elle contraindra à la cessation de contrefaçon ou au retrait de produits du marché. En matière commerciale, elle assure l'exécution d'obligations contractuelles spécifiques ou le respect de clauses d'exclusivité.

L'article 1385bis exclut formellement l'astreinte dans deux hypothèses. D'une part, elle ne peut assortir une condamnation au paiement d'une somme d'argent. D'autre part, elle est exclue des actions en exécution de contrats de travail. 

Les conditions d'exigibilité : quand l'astreinte devient-elle due ?

Pour qu'une astreinte soit exigible, plusieurs conditions doivent être réunies. La signification préalable du jugement constitue un préalable absolu. L'astreinte ne peut être encourue avant cette signification, qui garantit que le débiteur soit parfaitement informé de ses obligations.

Le juge peut accorder un délai de répit avant que l'astreinte ne commence à courir. Ce délai, distinct du délai d'exécution, offre au débiteur un sursis supplémentaire. L'astreinte n'est enfin exigible que si le jugement qui la prononce est devenu exécutoire.

Le rôle du juge des saisies

L'article 1385quater du Code judiciaire établit que l'astreinte, une fois encourue, reste intégralement acquise au créancier qui peut en poursuivre le recouvrement en vertu du titre même qui la prévoit. Contrairement au droit européen, le droit belge ne requiert pas de liquidation préalable par un nouveau jugement.

En cas de difficulté d'exécution, l'article 1395 du Code judiciaire attribue compétence au juge des saisies pour toutes les questions relatives au recouvrement de l'astreinte. Ce magistrat contrôle la légalité des actes d'exécution, vérifie que les conditions d'exigibilité sont réunies et apprécie la portée de la décision sans pouvoir modifier les droits des parties. Il examine également l'actualité et la force exécutoire du titre.

Le juge des saisies dispose néanmoins d'un pouvoir d'interprétation du titre qui ordonne l'astreinte, conformément à l'article 793 du Code judiciaire, bien que cette interprétation doive rester stricte. Plus significatif encore, il peut apprécier si le recouvrement de l'astreinte constitue un abus de droit dans les circonstances données. Cette compétence lui permet, dans les faits, de limiter l'astreinte lorsque sa poursuite excéderait manifestement les limites de l'exercice normal du droit par une personne prudente et diligente.

En revanche, le juge des saisies ne peut modifier le contenu de la condamnation ni considérer que l'astreinte n'est pas due au motif que la condamnation principale n'était pas justifiée.

La prescription : un délai bref à surveiller

L'article 1385octies du Code judiciaire fixe un délai de prescription particulièrement bref : l'astreinte se prescrit par l'expiration d'un délai de six mois, à partir de la date à laquelle elle est encourue. Pour les astreintes fixées par unité de temps ou par infraction, la prescription se calcule séparément pour chaque unité de temps écoulée ou chaque infraction commise. 

Ainsi, pour une astreinte de 100€ par jour de retard, chaque jour fait courir un délai de prescription distinct de 6 mois.

La prescription peut être interrompue par un commandement de payer ou par une saisie. 

L'impossibilité d'exécution et la révision

L'article 1385quinquies offre une échappatoire encadrée au débiteur de bonne foi. Le juge qui a ordonné l'astreinte peut prononcer sa suppression, suspendre son cours pendant un délai déterminé ou réduire son montant. Cette révision n'est possible qu'en cas d'impossibilité définitive ou temporaire, totale ou partielle, de satisfaire à la condamnation principale.

La jurisprudence exige cependant la preuve d'une véritable impossibilité objective, non imputable au débiteur. La simple difficulté d'exécution ou les contraintes économiques ne suffisent pas. 

Évolutions jurisprudentielles récentes

Les tribunaux sanctionnent de plus en plus les recouvrements abusifs d'astreintes. La Cour de cassation rappelle que la théorie de l'abus de droit, consistant à vérifier si l’exercice d’un droit n’ excède manifestement pas les limites de l'exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente, s’applique contre les recouvrements d’astreintes. Les juges exercent à cet égard un contrôle accru sur la proportionnalité des astreintes, particulièrement dans les contentieux entre particuliers ou impliquant des PME.

L'astreinte s'adapte par ailleurs parfaitement aux enjeux contemporains : suppression de contenus en ligne, respect du RGPD, cessation de cyberharcèlement. Cette adaptabilité témoigne de la modernité et de l'efficacité persistante de cet instrument juridique.

Conclusion : maîtriser l'astreinte pour une justice efficace

L'astreinte constitue un instrument de contrainte particulièrement efficace dans l'arsenal juridique belge. Son caractère pécuniaire et son accumulation dans le temps exercent une pression psychologique et économique souvent décisive sur les débiteurs récalcitrants. 

Cependant, sa mise en œuvre exige une parfaite maîtrise technique des conditions d'exigibilité, de la prescription, du choix du montant approprié et de la gestion des procédures de recouvrement.

L'objectif n'est pas nécessairement d'obtenir le paiement intégral de l'astreinte, mais bien de contraindre à l'exécution de l'obligation principale. Parfois, la simple menace d'une astreinte suffit à dénouer un conflit et à obtenir l'exécution volontaire. Dans un contexte économique où les débiteurs de mauvaise foi se multiplient, l'astreinte retrouve une actualité particulière.

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